On ne relit jamais assez les textes de base. Je viens de lire un décret d'août dernier qui concerne les tarifs réglementés d'électricité.
Son article 3 prévoit que les tarifs couvrent les coûts "ainsi qu'une marge raisonnable", expression qu'on retrouvait, sous une forme différente dans le décret concernant les tarifs de GDF Suez.
Quoi de plus raisonnable que d'accorder une marge raisonnable, en apparence ? Le choix des mots est savamment pesé afin que la chose soit acceptée immédiatement.
Sauf que, sauf que ce concept n'est pas défini. C'est quoi une "marge raisonnable" : 5%, 10%, 20% ? Personne n'en sait rien, ou plus exactement tout le monde aura sa réponse personnelle à cette question. Et évidemment cette réponse ne sera pas neutre (selon que l'on retienne telle ou telle valeur, la demande de hausse de prix d'EDF -24%- apparaîtra ou non raisonnable).
Sauf que, sauf qu'à y réfléchir il n'y a en principe pas lieu d'accorder de marge du tout. Comme je le signalais dans mon article sur les tarifs de GDF Suez, les coûts pris en compte par la CRE couvrent déjà les "coûts du capital", qui sont justement les coûts qui correspondent à ce qu'on appelle couramment la "marge" des entreprises. Il n'y a donc pas de raison d'accorder une "deuxième marge" ni à GDF Suez, ni à EDF.
Est-il raisonnable d'accorder une marge raisonnable ? Telle est bien la question.
Il y a 11 ans
3 commentaires:
Si l'on ne peut que partager le fait que la notion de "marge raisonnable" est au pire floue, au mieux élastique, je ne vous rejoins pas sur l'idée qu'il ne faut aucune marge (et ce dans quelque activité que ce soit).
En effet, la "marge" permet notamment de financer l'avenir d'une entreprise et ce faisant, de la rendre plus efficace et/ou plus pérenne.
Ainsi, la dimension du recrutement (qu'il s'agisse de renforcer les compétences, de renouveler les équipes, etc.) n'est pas prise en compte par les différents tarifs et ne saurait être financé que par la marge.
Si on peut discuter de l'opportunité de regrouper les définitions des revenus des énergéticiens dans un seul texte, je pense qu'il faut résister à la tentation de jeter le bébé avec l'eau du bain. En effet, EDF et GDFSuez souffrent d'un déséquilibre de leurs pyramides des ages qui va conduire à une perte massive de ressources et de compétences dans les 10 ans qui viennent. Si ces entreprises n'investissent pas dès à présent dans l'avenir, c'est probablement tout le secteur de l'énergie (et au final les clients et la société) qui en patira, parce que ces compétences seront perdues faute d'avoir été transmises et faute d'être, pour une grande partie, détenues par d'autres acteurs.
L'ouverture du marché a été avant tout organisée pour permettre à de nouveaux entrants de bénéficier du gateau des anciens monopoles dans une vision essentiellement de court terme (ce n'est pas parce que les pouvoirs publics décident que la concurrence sur l'énergie est nécessaire qu'elle perd sa caractéristique de monopole naturel...). Si l'on peut comprendre la volonté d'ajuster les règles pour garantir que les nouveaux entrants augmentent leur part de marché (et que les créateurs d'entreprise puissent revendre leurs start-ups et se dégager de cette activité avant que leurs actions ne soient trop difficiles à négocier)il ne faudrait pas pour autant négliger la réalité de l'activité dont la pérennité repose sur des investissements techniques et humains (ce qui n'interdit pas au delà de discuter de la pertinence des arbitrages sur certains de ces investissements).
A ce titre il est intéressant de voir les enseignements que l'on peut tirer de la situation actuelle sur les telcos, où l'ouverture du marché, si elle a tiré le prix de certains services vers le bas pour le grand public(ce qui n'est pas le cas dans l'énergie, soit dit en passant), se traduit aujourd'hui par un gel des investissements dans les infrastructures et des situations qui font qu'à 10 minutes de Paris par exemple, de nombreux internautes ne disposent pas d'un débit suffisant pour bénéficier du 10eme des services proposés en standard par les FAI (il n'est pas question de proner un retour au monopole, mais seulement de souligner la difficulté à concilier les logiques de long terme avec l'ouverture des marchés).
J'enfonce un clou sur le commentaire d'Ivecome : la perte de ressources et de compétences, du moins au niveau de la production thermique, ce n'est pas pour dans 10 ans.
C'est déjà en cours.
Je suis ô combien d'accord avec Ivecome et Terminalix sur le problème des compétences. Il est d'ailleurs heureux que M. Proglio en ait pris conscience rapidement.
D'aucun me disent d'ailleurs que ça ne concerne pas que la production thermique, mais aussi l'hydraulique et, plus inquiétant, le nucléaire.
J'admets qu'une marge est nécessaire aux activités économiques. Mon point est plus modeste et technique que cela : la marge est déjà comprise dans la rémunération du capital prise en compte par la CRE pour fixer le TURPE et, demain peut-être, la rémunération de la production. Les coûts comprennent donc déjà une marge, c'estla "double marge" que je cherche à interroger dans mon billet.
Sur les telcos, dont je ne suis pas spécialiste, il me semble que l'ARCEP a prôné un modèle de "concurrence par les investissements" qui a eu un succès certain pour le développement de l'ADSL. Le problème est que l'ADSL fonctionne quand la longueur des lignes entre le répartiteur (ou "central") de France Télécom n'est pas trop loin. Si vous souhaitez en savoir un peu plus sur les caractéristiques de vos lignes, allez sur degrouptest.com.
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