samedi 13 février 2010

Kd et Ku, et de l'utilité de l'EPR


Dans un billet publié en septembre dernier j'avais expliqué les notions de Kd et de Ku du parc nucléaire.

Le Kd correspond à la disponibilité (puissance disponible et qui pourrait, techniquement, être livrée sur le réseau) et de Ku (proportion de la puissance disponible qui est réellement utilisée). Le produit de ces deux termes forme ce qu'on appelle le Kp, ou coefficient de production.

Ces concepts sont d'ailleurs largement exposés dans la dernière publication financière d'EDF (voir ici). On sait en effet que 2009 sera une forme d'annus horribilis pour le nucléaire français.

Les pertes de productions liées aux mouvements sociaux sont décomptées du Ku (la puissance est en effet techniquement disponible, mais elle n'est pas utilisée). Cependant, les mouvements sociaux ne sont pas (totalement) du choix d'EDF et il m'a paru intéressant d'estimer le Ku d'EDF hors mouvements sociaux. Ce facteur corrigé indique en effet comment EDF a choisi d'utiliser la puissance qui était réellement disponible compte-tenu des grèves.

EDF indique que la perte de production liée aux "mouvements sociaux" était de 17 TWh. J'en déduis donc que le "Ku" hors mouvements sociaux est de 94,6% (bon, je n'ai pas trop de place pour détailler les calculs).

Abstraction faite de l'impact des mouvements sociaux, l'analyse statistique confirme que ce Ku est élevé par rapport à celui connu dans les années 2004-2006. Il est cependant plus faible qu'en 2008 (95,1%).

Il reste à comprendre exactement pourquoi le Ku semble évolue globalement en sens inverse du Kd depuis plusieurs années : plus il y a de puissance nucléaire disponible, moins elle est utilisée.

C'est à se demander si les tranches nucléaires EPR en construction seront vraiment utilisées !


4 commentaires:

Julien a dit…

Bonjour,

Je ne comprends pas le sens de votre déduction, avec les chiffres. Vous dites "Il reste à comprendre exactement pourquoi le Ku semble évolue globalement en sens inverse du Kd depuis plusieurs années : plus il y a de puissance nucléaire disponible, moins elle est utilisée."

Hors on voit que le taux de disponibilité Kd baisse, donc il y a moins de puissance disponible (enfin en pourcentage au moins), nous sommes passés de 83-84% à 78% en 3 ans.
Et on voit aussi dans le graphique que la puissance disponible est plus utilisée, puisque le Ku a augmenté. On utilise maintenant 95% de la puissance disponible, contre 93% 3 ans avant.

Je ferais plutôt une conclusion inverse à la votre, on a moins de disponibilité, donc on utilise plus de ce qui est disponible. Ce qui semble logique, puisque notre parc a il me semble pas augmenté, alors que nos consommations augmentent elles...

La question qui se pose plus je pense est pourquoi la disponibilité du parc baisse ? Plus d'entretien à cause de l'âge ? Le rapport d'EDF doit bien se pencher là dessus non ? (je ne me sens pas de le lire).

4E a dit…

@Julien,

on voit que le Kd baisse et qu'en parallèle le Ku augmente globalement. Autrement dit, moins il y a de puissance disponible, plus celle-ci est utilisée.

Je ne faisais qu'exprimer les mêmes faits mais vus dans l'autre direction : plus il y a de puissance disponible, moins elle est utilisée.

Votre conclusion n'est donc pas inverse de la mienne, elle lui est équivalente logiquement. Reste à en comprendre l'explication (voir mon billet de septembre dernier).

Quant à savoir pourquoi la disponibilité baisse, le rapport dit des choses, mais ce n'est pas bien satisfaisant. Il y a des éléments factuels (campagnes de "visites décennales" et remplacement de certains équipements, problèmes à Blayais et Cruas), mais franchement je ne suis pas convaincu que cela explique tout.

Terminalix a dit…

Juste une petite réaction sur le document EDF où page 17 il est écrit :

"Un Ku très fortement marqué par les mouvements sociaux du S1
2009 et leur impact S2 sur l’organisation des arrêts de tranche"

Oui, bon.
Faudra m'expliquer comment on décale un arrêt de tranche, alors qu'il ne reste plus grand-chose à tirer d'un cœur de réacteur en prolongation de cycle (stretch-out), quasi à l'agonie.
En d'autres termes : quand faut y aller, faut y aller, mouvement social ou pas. La saison 2009 (du moins là où je peux en parler) a gardé à peu près les mêmes dates d'arrêts. Pas forcément de redémarrage (pouf pouf).

Et c'est pas parce que ça redémarre que c'est gagné, les week-end ayant été en 2009 un peu trop souvent utilisés pour des arrêts fortuits sur certaines tranches...

Quand ce ne sont pas des AAR (Arrêt Automatique Réacteur) qui plombent un peu plus le fameux Kd (toujours pour ce qui concerne de quoi je peux causer, 2009 fut un très mauvais cru sur ce point).

Malte a dit…

Ca paraît plutôt normal : d'habitude, une partie des centrales nucléaires françaises fonctionne en "suivi de charge" (*) : elles font varier leur production en fonction de la demande et n'utilisent donc pas toute leur puissance disponible. C'est le cas parce que si tout le parc nucléaire disponible produisait au maximum pendant toutes les heures, il y aurait un excès d'offre p.ex. pendant les heures de nuit

Lorsque trop de centrales viennent à manquer, on peut supposer qu'une part plus importante du parc nucléaire encore disponible va produire au maximum. C'est ce que vous observez : plus le kd du parc est faible, plus le ku des centrales disponibles est élévé.

Maintenant il faudrait voir si ça explique l'ordre de grandeur des écarts de pourcentage que vous et EDF rapportez.

(*)
http://en.wikipedia.org/wiki/Load_following_power_plant#Nuclear_power_plants http://www.culture.gouv.fr/culture/dglf/cogeter/18-06-04-nucleaire.htm
et ça se voit également sur un graphique que vous aviez fait