mardi 1 décembre 2009

Problèmes à Tricastin & Gravelines : une affaire de Mox ?

Les unités nucléaires de Gravelines 1 et, par deux fois, de Tricastin 2 ont connu des problèmes à l'occasion des opérations d'arrêt pour rechargement. Des assemblages combustibles sont restés accrochés aux structures du réacteur.

A chaque fois, les arrêts ont du être prolongés du fait des interventions rendues nécessaires.

EDF se veut rassurant et indique en particulier que "dans l’hypothèse d’une chute de cet assemblage, les calculs réalisés par les experts d’EDF montrent que les conséquences radiologiques à l’extérieur du site seraient très faibles et inférieures aux valeurs réglementaires de 1mSv par an pour la population".

Cette indication est surprenante, car en principe "trois barrières" sont sensées protéger la population : la gaine métallique qui entoure directement le combustible, la cuve du réacteur (qui est en l'occurrence ouvert donc inopérante), et l'enceinte de confinement en béton. Pendant les opérations d'entretien et de maintenance, deux barrières sont normalement toujours opérationnelles.

En évoquant les conséquences d'une rupture de la "gaine métallique" sur la population "à l'extérieur du site", EDF suggère ainsi que non seulement le réacteur serait ouvert mais que l'enceinte de confinement en béton serait aussi ouverte. La "triple barrière" se réduirait ainsi, le temps des opérations de réparation, à la seule gaine combustible, si je comprends bien. Est-ce qu'un de mes lecteurs peut me confirmer que tel est bien le cas ?

Par ailleurs, EDF indique que les deux derniers incidents au moins concernent des "assemblages MOX". Ces assemblages (qui contiennent du plutonium) sont utilisés dans 22 tranches nucléaires d'EDF (certaines tranches du palier "900 MW"). Compte-tenu de la faible expérience sur les conditions de vieillissement de ces assemblages dans les réacteurs, on ne peut exclure que d'autres incidents se produisent sur d'autres tranches nucléaires (on notera d'ailleurs, que Tricastin qui a connu deux incidents d'assemblage, était la "tête de série" d'une nouvelle gestion du Mox dite "Parité Mox").


7 commentaires:

Terminalix a dit…

Pour autant que je me souvienne, les accès au bâtiment réacteur sont limités pendant les opérations de déchargement-rechargement. Faudrait que je cherche un peu pour retrouver les textes existants.

Donc, ce que je vais écrire pourra éventuellement être repris, en cas d'approximation.

Lors des opérations de déchargement - rechargement de combustible, la troisième barrière est "presque étanche", c'est à dire qu'un seul sas est ouvert, et le sas matériel (le "tampon matériel") est fermé, tant qu'il restera du combustible dans le bâtiment réacteur. En cas de pépin, reconstituer rapidement cette troisième barrière ne sera pas un gros problème.

Ensuite, pour les opérations de maintenance, il n'y aura plus de barrière du tout, puisqu'il n'y aura plus de combustible dans la cuve (il sera dans le bâtiment combustible, dans une piscine).
Les sas sont donc ouverts, le tampon matériel aussi, etc.

Pour ce qui concerne les soucis d'éléments combustibles coincés, j'ai entendu quelques trucs, comme la présence d'un "corps migrant" qui serait resté au pied d'un élément lors de sa pose, le décalant un poil en hauteur.
Il est difficile d'avoir des informations en interne, hélas...

Sinon, quand je lis le bla-bla lénifiant du genre "l'hypothèse d'une chute de cet assemblage", ça me fait sourire un peu. En fait, l'assemblage combustible reste accroché à ce qu'on nomme les "structures internes supérieures", qui coiffent le combustible. Structures qui sont retirées, bien évidemment, avant déchargement des éléments.

Lors de ce retrait, l'élément combustible coincé montera en même temps que les internes supérieurs jusqu'à ce que quelqu'un donne l'alerte. Je n'ai pas de meilleure image à proposer que celle d'une cigarette qui sort à moitié d'un paquet. L'élément combustible étant donc bien entouré, s'il se décroche subitement la chute sera éventuellement verticale (l'élément retombera dans la cuve à sa place, ou éventuellement se coincera plus ou moins, car les éléments combustibles voisins peuvent s'être déformés, ça arrive et pas qu'avec les éléments MOX).

Vu de mon (petit) côté, ne suis pas persuadé que ce nouveau soucis soit réellement très inquiétant. Surtout si c'est un problème lié à un corps migrant, ça doit pouvoir se régler.

Et pour relativiser un peu la chose, un élément c'est solide : cherchez à savoir comment les chinois ont plié un élément combustible à Daya-Bay (et comment ils se sont sortis de cette bien fâcheuse situation) :)

Bon, je commence à faire long, j'arrête là.

ariel a dit…

Lors de la manipulation des internes comme lors de la manipulation du combustible, la troisième barrière est pleinement opérationnelle. Suivant les unités et les pays, les procédures peuvent varier légèrement mais l'idée reste la même. Le confinement est garanti autant par des sytèmes passif (l'enceinte de confinement) que des systèmes actifs (mise en dépression avec filtration sur charbons actifs et filtres THE).

Le "danger" est plus pour les opérateurs qui seraient juste au dessus ou a proximité de la piscine.

Si rupture il y avait, les gaz seraient libérés dans l'eau, en partie dissous, le reste remonterait sous forme de bulles. Les balises se déclencheraient aussitôt et l'évacuation du personnel se ferait sans tarder suivant des procédures prédéterminées. Pour rappel, un accident de chute de combustible fait partie du dimensionnement d'une installation.


Voilà en gros.

4E a dit…

@Terminalix & ariel
Désolé de vous répondre ci-tard.
Je comprends du texte qu'a publié EDF qu'un "outil spécifique" a été construit pour décrocher les assemblages.
J'ai l'impression que cet outil ne peut être utilisé sans laisser le sas matériel ouvert. Sinon, je ne comprends pas pourquoi EDF aurait évoqué une hypothèse de contamination extérieure en cas de chute.
Par ailleurs, sait-on si l'assemblage du premier incident à Tricastin était en Mox. Ca serait intéressant, car la probabilité a priori (en supposant que le Mox n'est pas en cause) que les trois assemblages soient en Mox est assez faible.

Terminalix a dit…

Tout d'abord, l'outil étant au raz du plan de joint de la cuve, il est donc en fond de piscine. Donc plutôt loin du tampon matériel (on va dire, il est plus bas de 8 à 9 mètres, facilement). De toutes façons, règlementairement ce fameux tampon doit être fermé :)

En fait, les rejets extérieurs en cas de chute catastrophique d'un élément combustible sont calculés en prenant bien sûr en compte le relâchement de produits de fission gazeux, et surtout en prenant compte la fuite naturelle de l'enceinte de confinement (testée tous les 10 ans).
Elle tient 5 bars de pression (du moins pour Tricastin c'est comme ça), mais ça fuit tout de même un peu malgré la peau d'acier soudée en face interne du bâtiment.

Quelques infos qui expliquent ça, à propos de l'incident de Gravelines (avec des photos intéressantes) : Fichier pdf

Vouala.

Terminalix a dit…

Petit ajout (je n'arrive pas à modifier mon post précédent) :

Tricastin 2008 : 2 assemblages UOX coincés.
Gravelines 2009 : 1 assemblage MOX coincé.
Tricastin 2009 : 1 assemblage MOX coincé.

Match nul, 2 partout !

ariel a dit…

En gros, dès qu'il y a une fuite dans l'enceinte, on considère qu'il peut commencer à y avoir des rejets, même infimes.

Une enceinte a un taux de fuite connu qui fait parti des spécificités techniques de la tranches (de l'ordre de 1%/jour à 4,5 bars).


Quant au sas, il reste fermé pendant les manipulations. Et il ne faut pas confondre les sas d'accès et le tampon matériel, grosse ouverture qui ne peut être ouvert que lorsque tout le combustible est déchargé.

Et dans les accidents de ce type, il y a aussi eu Nogent, 1 assemblage coincé, je sais plus trop quelle année (entre 2001 et 2005)

Terminalix a dit…

@ Ariel : Nogent 1, en août 1999.

C'est de la triche, ce n'est pas une centrale CP1 :)