vendredi 30 octobre 2009

Henri Proglio contre la réforme du marché

Lors de son audition par la Commission des Affaires Economiques de l'Assemblée Nationale, M. Proglio, futur Président d'EDF, s'est opposé à la réforme en cours du marché de l'électricité. Il es'st en particulier montré hostile à la mise en œuvre du rapport Champsaur qui imposerait selon lui la vente "à prix coûtant" de l'énergie nucléaire à ses concurrents.

Cette déclaration est quand même surprenante quand on sait que le projet de loi "NOME", projet qui émane du gouvernement, prévoit de mettre en œuvre le rapport Champsaur. Le chef de l'Etat nomme donc à la tête d'EDF un industriel qui s'oppose frontalement aux projets du gouvernement. Ce n'est pas banal.

Certes, M. Proglio vient du secteur de la distribution d'eau où l'on n'est pas prêts à céder ses biens aux concurrents. Cette déclaration me semble cependant inquiétante pour EDF car elle me semble relever d'une erreur d'appréciation de la part de M. Proglio.

La réalité en effet est qu'EDF se doit de faire des choix et ne peut à la fois garder le quasi monopole de la production, de la fourniture, les réseaux (ERDF, RTE), se développer à l'étranger en rachetant des opérateurs dans les marchés libéralisés, et se libérer de toute contrainte de régulation en France (en demandant la libéralisation totale du marché).

Le rapport Champsaur, tout imparfait qu'il était, prônait une solution qui garantissait à la fois le maintien d'un parc nucléaire intégré, de tarifs réglementés finaux (tout du moins pour les clients résidentiels) reflétant l'avantage compétitif du nucléaire, et le développement d'une concurrence à la fois sur les marchés de détail et sur les moyens de production nouveaux (qu'ils soient nucléaires ou "classiques"). Ce n'était pas si mal car, faute de cela, c'est l'ensemble du système qui risquait d'exploser (et aboutir à la disparition à terme des tarifs réglementés), explosion qu'EDF appelait d'ailleurs ce ses vœux. Le rapport Champsaur sauvait donc l'essentiel.

On comprend évidemment qu'EDF ne veuille pas brader "son" nucléaire (l'adjectif possessif "son" étant d'ailleurs impropre, car le nucléaire d'EDF est un choix de politique nationale et étatique et on ne voit pas très bien pourquoi un client de Poweo ne pourrait pas bénéficier des avantages du nucléaire au même titre qu'un client d'EDF : après tout, il court les mêmes risques qu'un client d'EDF en cas, heureusement fort peu probable, d'incident sur le parc nucléaire d'EDF).

En tout état de cause, résumer le débat à cela (en parlant de "prix coûtant") revient à caricaturer le débat : le rapport Champsaur ne prône pas le "prix coûtant". France Télécom en son temps avait été plus habile qui avait négocié que ses concurrents accèdent à ses réseaux à des niveaux de prix couvrant très généreusement les coûts historiques (et avait en particulier négocié une hausse de 23% de l'abonnement). Le Président de l'autorité de régulation des télécoms s'appelait alors... Paul Champsaur.

Il y a donc fort à parier que M. Proglio reviendra tôt ou tard sur ses positions. Espérons que ce délai ne causera pas préjudice à EDF, car les autorités Bruxelloises, qui avaient accepté avec réticence le compromis "Champsaur" seront évidemment très vigilantes sur l'ouverture du marché français.

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