jeudi 17 avril 2008

EDF se trompe sur les pompes

Je viens de recevoir un courrier d’EDF me proposant de participer à un « quizz » (avec deux z, comme Zzorro). D’habitude, je jette ce genre de courrier directement mais, étant intéressé par un voyage en Norvège, j’ai pour une fois décidé de me livrer à ce jeu (jeu-archi-co2.com)

Je me suis arrêté à la première question : combien de CO2 une pompe à chaleur émet-elle en moins par rapport à une chaudière traditionnelle ?

Trois choix sont proposés : deux fois moins, quatre fois moins ou six fois moins. Et EDF livre généreusement un indice : « il suffit de 25% d’énergie électrique pour assurer 100% du chauffage ».

Tout est fait pour que la personne non avertie réponde spontanément : je consomme 4 fois moins d’énergie, et donc quatre fois moins de C02 et c’est exactement ce qu’EDF attendra d’elle car c’est bien la « bonne réponse » qui vous permettra peut-être de gagner un voyage en Norvège.

Cette évaluation est cependant grossièrement fausse car elle résulte de deux approximations qui, toutes deux, jouent étrangement à l’avantage d’EDF (je passe sur le fait qu’il faut en pratique plutôt 30% d’énergie électrique pour assurer 100% de chauffage).

La première est d’assimiler l’énergie électrique à de l’énergie thermique, ce qui est absurde d’un point de vue physique. En effet pour produire de l’électricité, il faut utiliser de l’énergie thermique mais le rendement de conversion n’est pas de 100%, il est au mieux de 50% (après prise en compte des pertes par effet joule sur le réseau électrique). Autrement dit, il suffit peut être de 25% d’énergie électrique pour produire 100% de chauffage thermique mais il faut 50% d’énergie thermique pour produire 25% d’électricité.

D’après ce calcul une pompe à chaleur émettrait donc deux fois moins de C02 qu’une chaudière traditionnelle. Ce fut ma réponse spontanée qui me valut de voir disparaître mes rêves norvégiens.

Mais la seconde approximation est plus pernicieuse et revient à considérer que le contenu en CO2 de l’énergie thermique utilisée pour produire de l’électricité est le même que le contenu en CO2 de l’énergie thermique utilisée pour une « chaudière traditionnelle ».

Or actuellement, les statistiques publiées par RTE (gestionnaire du réseau électrique) montrent que pendant la période de chauffage, EDF doit appeler principalement des centrales au fioul ou au charbon pour produire la demande supplémentaire. Or le fioul et le charbon émettent, à énergie thermique égale, environ 50% de CO2 en plus que le gaz naturel : avec une pompe à chaleur on consommerait donc bien deux fois moins d’énergie mais l’énergie qu’on consommerait serait 50% plus émissive de C02...

Je ne me livre pas à tous les calculs qui dépendent en réalité du type de chaudière (fioul/gaz), du rendement exact des centrales thermiques, du rendement des chaudières... Au total, il n’est pas clair que les pompes à chaleur économisent beaucoup de CO2 par rapport à des chaudières au gaz (même si elles peuvent avoir d’autres avantages par ailleurs, notamment si elles remplacent du chauffage électrique ou des chaudières au charbon vétustes... qui gagneraient en tout état de cause à être remplacées par des chaudières au gaz naturel).

A long terme, on pourrait penser développer plus de nucléaire pour produire l’électricité à la place des centrales au charbon et au fioul, les pompes à chaleur seraient alors intéressantes du point de vue du CO2 (avec cependant l'inconvénient de produire des déchets nucléires : c’est un autre débat). Mais le prochaine réacteur de Flamanville étant prévu pour 2012 (avec des retards probables) et aucune autre installation n’étant programmée, ce n’est pas demain la veille.

En attendant, je laisse chacun commenter la communication d’EDF.